Mettre la charrue avant les bœufs

La charrue est déjà terriblement chargée de symboles (la paix, le travail, et même le phallus qui fertilise la terre femelle), outil à la fois virgilien et biblique, au point qu'elle a toujours eu sans peine droit de cité dans le langage.
« Ils forgeront leurs épées en socs de charrue, et leurs lances en faucilles », dit Isaïe, pronostiquant un monde meilleur. 
La charrue harmonieusement tirée par les bœufs est depuis toujours l'image même de la logique, de la cause à son effet ; inverser les éléments engendre l'absurde.
Car la forme originale de la locution est mettre la charrue devant les bœufs. Et c'est ainsi que l'emploie Rabelais en transformant la charrue en charrette, dans l'enfance de Gargantua, lequel, entre autres incohérences, « mettoyt la charrette devant les bœufz. »
C'est à cause de l'ambiguïté de devant, qui pendant longtemps a voulu dire soit avant, comme dans ci-devant, soit en face, que l'on a fini par interpréter avant les bœufs, et donner à l'expression le sens de faire les choses dans le mauvais ordre, généralement pour vouloir trop se presser.
L'idée d'incohérence semble plus forte dans cette phrase d'un Arrêt d'Amour du XVe siècle : « tournant à chaque propos la charrue contre les bœufs. »


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