Crier haro sur le baudet

À l'assassin !... au voleur !
Haro serait un mot oublié sans la fable de La Fontaine, « Les Animaux malades de la peste », Fables, VII, 1 (1678) : La peste faisait rage chez les animaux « ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient atteints». Devant le deuil général, le lion propose que le plus coupable soit immolé pour apaiser la colère divine. Lion, tigre, ours sont absous de leurs meurtres parce que nul n'ose s'opposer à leur puissance. Le renard va jusqu'à démontrer l'innocence du lion... et flatteurs d'applaudir, sauf le baudet qui avoua « puisqu'il faut parler net avoir tondu d'un pré la largeur de sa langue. » 
À ces mots, on cria haro sur le baudet. « Manger l'herbe d'autrui ! Quel crime abominable. » Et la mort fut jugée seule capable d'expier son forfait.
« Selon que vous serez puissant ou misérable, conclut le fabuliste, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
D'une satire de la confession qui circulait au XVIe siècle, La Fontaine a tiré un apologue où s'enchevêtrent subtilement les allusions politiques, juridiques et religieuses. Le haro est lui-même un emprunt au droit coutumier de Normandie. il s'agit du cri que poussait le plaignant reconnaissant son agresseur dans une assemblée, ou la victime d'un flagrant délit, et qui obligeait tous ceux qui pouvaient arrêter le criminel à le faire.
Crier haro sur quelqu'un, c'est le faire prendre par la foule pour être mené devant le juge. Ce n'est donc pas nécessairement le proclamer coupable, mais le présumer tel. Haro était au Moyen Âge un cri d'appel à l'aide pour qu'on vienne vous prêter main forte pour arrêter un criminel. C'était un cri de chasseur à l'origine. La Fontaine n'a fait que populariser la locution : Crier haro sur quelqu'un avait déjà le sens de désigner un bouc émissaire.


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